Voix du Monde

Site de reportages et d’enquêtes – Valérie Kernen

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La mosaïque malaisienne

La Malaisie vit dans une société pluriethnique depuis un siècle et demi, suite à l’arrivée des minorités chinoises et indiennes, durant la colonisation anglaise. Au jour de l’indépendance, tous les habitants du pays ont été reconnus comme citoyens à part entière, avec néanmoins un statut spécial destinés aux Malais et aux peuple autochtones, reconnus comme Bumiputra, « enfants du sol ». La Malaisie, est-il un modèle de multiculturalisme comme le prônent certains guides touristiques ? Les femmes voilées côtoyant les mini-jupes des jeunes chinoises dans les supermarchés, est-il le reflet d’une société tolérante où les « différences » cohabitent sans heurts ?



Comment vit-on le multiculturalisme en Malaisie, quelles sont ses limites et surtout ses contradictions ? Comment cohabitent Malais, Chinois et Indiens? Est-ce un grand melting–pot où les communautés se mélangent ou au contraire, une société divisée ? Comment le multiculturalisme est-il vécu au niveau de la vie privée, de l’économie, de la scolarité et des religions ? Qu’est-ce qui forme l’identité de ce pays pluriel, sa cohésion ?

Quatre reportages de Valérie Kernen, réalisés par Christian Morerod, présentés par Christophe Canut et Lucas Thorens et diffusés dans Point de fuite, émission A l'abordage, sur RTS La Première..

  • 1. La discrimination des riches

    Jacqueline, son mari et ses trois enfants vivent dans un joli quartier sécurisé au sein de la grande ville de Johor Bahru, au Sud de la Malaisie. Cette famille malaisienne d’origine chinoise possède plusieurs maisons et une Mercedes, parquée devant un imposant portail. Ils sont Malaisiens mais vivent dans un monde à part, celui de la minorité chinoise qui représente le 23% de la population. Dans ce pays multiethnique, les citoyens ne sont pas tous égaux. Les droits sont liés à la « race » et les « Bumiputra », les enfants du sol (les Malais musulmans et les peuples autochtones) sont avantagés. Ils ont un accès facilité aux universités, à la propriété et aux emplois au sein de l’administration et des entreprises publiques. Malgré les discriminations qu’ils subissent, les Sino-malaisiens conservent la mainmise sur l’économie, des « citoyens de seconde zone » aux poches parfois bien remplies…

  • 2. Une économie ethnicisée

    En Malaisie, même le business est influencé par le multiculturalisme et mieux vaut le comprendre pour faire des affaires.... Bela Horvath, un Français installé entre la Malaisie et Singapour depuis une douzaine d’années, nous explique les codes et la segmentation du travail au sein de ce pays décidément complexe. Andi, lui, est Malaisien d’origine indienne, il représente la 3e génération à vivre sur place. Pourtant, il a dû s’associer à un partenaire malais pour faire du commerce dans son propre pays. La politique de discrimination positive mise en place par le gouvernement touche même les entreprises étrangères, directement ou indirectement, comme nous le verrons avec Lyreco, fournisseur français de matériel de bureaux implanté à Johor Bahru. Comment l’état fait-il pour différencier ses citoyens selon des critères raciaux? Et ce système favorisant les Malais est-il bénéfique au pays?

  • 3. « Les purs Malaisiens, c’est nous ! »

    En 40 ans, la pauvreté a drastiquement diminué en Malaisie, grâce à une politique de discrimination positive favorisant les « Bumiputra », les enfants du sol. Au moment de l’indépendance, les Malais majoritaires étaient les plus touchés par la pauvreté, vivant comme petits paysans sur les terres de leurs ancêtres. Suite à la « Nouvelle politique économique » instaurée par l’Etat en 1970, les enfants des villages ont soudainement pu accéder aux universités grâce à un système de quotas favorisant leur ethnie, et les subventions ont aidé les plus démunis. Alors que cette discrimination positive et ethnicisée se poursuit à différents niveaux, le malaise s’intensifie auprès des autres minorités du pays, les Chinois et les Indiens, qui dénoncent un système injuste. Dans ce contexte, quel est le point de vue des Malais des villages ? Leur vie a-t-elle changé au fil du temps ? Ont-ils bénéficié de cette politique ? Et sont-ils prêts à renoncer à leurs privilèges au nom de l’égalité de droit? Rencontres dans la région côtière de Desaru au Sud de la Malaisie.

  • 4. Ceux qui brisent les barrières

    En Malaisie, pays multiculturel par excellence, les couples mixtes, interethniques, restent rares mais ils existent. Nous en avons rencontrés dans l’état du Negeri Sembilan au Sud de Kuala Lumpur, dans la ville de Seremban. Zu, un restaurateur qui propose de la nourriture chinoise hallal, nous emmène dans un centre culturel musulman, réservé aux Chinois malaisiens ayant embrassés l’islam. La plupart d’entre eux se sont convertis par amour et forment des couples mixtes. Dans ce pays, où l’islam est religion d’état, les Malais, qui sont musulmans de naissance, n’ont pas le droit de changer de religion. Pour pouvoir s’unir avec un partenaire malais, les Malaisiens chinois ou indiens doivent donc se convertir à l’islam, comme nous l’expliquera « Jun », Malaisienne chinoise, qui a rencontré son mari, Malaisien malais, au Canada. Comment ceux qui brisent les barrières ethniques si bien délimitées en Malaisie vivent-ils ce saut dans la culture de « l’autre » ? Défi ? Richesse ? Contraintes ? Confidences contenues dans un pays où la parole n’est pas libre.

 Malaisie | 2017